#25.     Les courants électriques venant de l'espace

Quand une aurore brillante apparait dans la zone aurorale, une forte perturbation magnétique est généralement observée au même endroit. La perturbation du champ magnétique peut être plus forte que celle d’un orage magnétique mais elle est strictement locale : elle s’évanouit rapidement à mesure que l’on se déplace vers l’équateur.

Cette étendue limitée suggère que les courants qui perturbent le champ, s’écoulent quelque part à proximité, probablement près des arcs auroraux. Le norvégien Kristian Birkeland, qui a observé attentivement les perturbations au début du siècle conclua que ces courants s’écoulaient parallèlement au sol, en suivant la formation de l’aurore.

Tout courant électrique, doit cependant s’écouler dans un circuit fermé et puisqu’il semble être du (comme les aurores) à un processus prenant place en un endroit éloigné, Birkeland imagina que ce courant arrivait vers un bout de l’arc puis retournait dans l’espace par l’autre bout. Le dessin ci dessous illustre cette idée, il est tiré du rapport de Birkeland sur ses expéditions dans la zone des aurores datant de 1903.

Dynamos

Comment des courants électriques peuvent-ils être générés dans l’espace -- ou d'ailleurs, sur le soleil et dans le noyau  terrestre?

Dans tous les cas, des fluides conduisant l’électricité se revèlent être en mouvement à travers un champ magnétique -- plasma dans l’espace ou sur le soleil, fer fondu (probablement) dans le noyau terrestre. On peut alors montrer à partir des principes physiques qu'un courant éléctrique apparait dans un circuit électrique fermé si certaines parties de ce circuit sont en mouvement  dans le champ magnétique, alors que d'autres ne le sont pas (des conditions supplémentaires doivent aussi être satisfaites). L’énergie électrique nécessaire pour faire circuler le courant est prise au mouvement qui est du coup ralenti.

Il y a longtemps, on appelait dynamo, une machine qui générait de l’électricité (de nos jours, on préfère le terme « générateur ». Par analogie, un dispositif où un fluide conducteur s’écoule à travers un champ magnétique et crée un courant électrique comme ci-dessous, est appelé une « dynamo fluide », ou plus simplement « dynamo » quand le processus  fluide est clairement impliqué.

Expérience du pont de Waterloo
    Faraday compris cela très bien. Sachant que l’eau conduit l’électricité (à cause du sel dissous), il essaya en 1831 d’observer une telle dynamo expérimentalement. Il étendit un fil sur le pont de Waterloo à Londres et plongeât les bouts dans la rivière en deux endroits différents de façon à fermer le circuit grâce à l’eau. Il essaya ensuite de mesurer le courant électrique généré par l'écoulement de la rivière à travers le champ magnétique.

Cette idée était séduisante, mais le courant était trop faible pour que Faraday puisse le mesurer. Néanmoins, il supposa que les aurores (qu’il croyait être un phénomène électrique) pouvait être alimentées de façon similaire par le Gulf Stream commencant juste au large des états unis et s’écoulant vers le Nord Est à travers l’océan Atlantique. Bien sur, Faraday oubliait que pour relier l’océan à l’aurore, le courant devait traverser la basse atmosphère, et celle-ci étant un excellent isolant, elle aurait bloqué l’écoulement du courant.

Une intéressantedynamo de ce type existe entre la planète Jupiter et sa plus grosse lune IO (cliquez ici pour plus de détails). La navette spatiale peut aussi générer une puissance électrique de cette façon (aux dépend de son énergie orbitale) , en utilisant un long fil attaché à elle et qui pend dans l’espace. Une telle experience a été conduite à bord de la navette spatiale Columbia le 25 février 1996, s’arrêtant inopinément quand l’attache s’est soudainement cassée.

Sir Joseph Larmor en Angleterre proposa en 1919 que des dynamos constituées entièrement de fluide pouvaient expliquer la création du champ magnétique des taches solaires. Son idée était qu’à l’instar du plasma solaire qui s’écoule à travers le champ magnétique, les effets de dynamo produisent les même courants, ceux qui ont aussi crée ces champs magnétiques. Comme il s’agit d’un processus qui prend de l’ampleur par son propre amorçage (les champ magnétiques nécessaires à la dynamo sont produits par les courants électriques qu’elle produit), le processus doit se construire progressivement, à partir  d’une « graine » de champ magnétique due à une source différente.

On a cru aussi qu’un tel mécanisme de dynamo  était la source du champ magnétique émanant du noyau fondu de la terre. Il est impossible d’observer directement cette région, mais en 1964 Stanislaw Braginsky, en Russie, démontra mathématiquement la possibilité d’une telle classe de dynamos. La lente variation du champ terrestre au cours de dizaines d’années provient probablement d’un lent changement du mode d’écoulement du noyau – et non pas comme le proposait Halley, de couches sphériques magnétisées, emboîtées les unes dans l’autre, tournant toutes différement.

Les courants de Birkeland

Si la terre a une magnétosphere ouverte avec des lignes de champ reliées au vent solaire, elle produit aussi une dynamo fluide de cette sorte. Dans un plasma, l’électricité s’écoule facilement le long des lignes de champ magnétique qui se comportent alors comme des fils de cuivre. Les lignes de champ « ouvertes » partant du soleil et plongeant dans l’ionosphère des pôles peut alors agir comme les fils que faraday avait plongé dans la Tamise et elles peuvent conduire l’électricité, ralentissant lentement le vent solaire au cours de ce processus.

Si le paquet de lignes ouvertes se dresse dans la région à l'intérieur de l’ovale auroral, on peut montrer que les courants de dynamos s’écoulent vers la terre sur le coté jour du pôle magnétique et vers l’espace sur le coté nocturne. On peut supposer que le circuit serait fermé par la connexion des deux écoulements à travers l’ionosphère polaire, dans le sens "jour" vers le coté "nocturne" (dessinée ci-dessous, la situation est cependant plus compliquée, à cause de l’écoulement qui déforme aussi les lignes de champs)..

    Quand en 1973, le satellite Triad de la Navy (histoire) volait à travers cette région sur une orbite de basse altitude, ses magnétomètres détectèrent en effet les signatures de deux larges nappes de courants électriques, l’une allant vers le bas sur le coté "jour" de la zone aurorale, et l’autre montante du coté "nocturne" . Puisque Kristian Birkeland avait proposé bien avant l'existence de courants reliant de cette façon la terre à l’espace, ces courants furent baptisés courants de Birkeland (par Schield, Dessler, et Freeman dans un article de 1969 qui prédisait quelques caractéristiques observées par TRIAD). Typiquement, chaque nappe porte un million d’ampère, voire plus.

Mais ce n’était pas tout. Vers l’équateur de chaque nappe de courrant, Triad détecta une nappe parallèle presque aussi intense et s’écoulant dans la direction opposée : ses lignes de champs n’étaient plus ouverte mais fermées dans la magnétosphère. Il semblait ainsi que la plupart du courant électrique descendant de l’espace (environ 80%) ne choisissait pas de se refermer par l’ionosphère en traversant les pôles magnétiques. Le courant crée plutôt un autre chemin : il s'écoule dans l’ionosphère quelque centaines de miles vers l’équateur et puis se dirige à nouveau vers l’espace, où ils trouvent (probablement) un meilleur chemin.

Une étude de 1976 réalisée par Takesi Iijima et Tom Potemra utilisa les données de Traid pour dresser un plan des empreintes de ces nappes dans l’ionosphère polaire, incluant leur recouvrement intriqué à "minuit".

Leur résultat est reporté dessous. Le plan est centré sur le nord magnétique (bien que les données du sud aient été combinées pour produire ce graphe), "minuit" est au dessous et "midi" (où il existe quelques courrant supplémentaires mineurs) est au dessus. L’ombre noire indique les courants s’écoulant vers la terre, les ombres claires montrent les courants s’écoulant à l’extérieur, vers l’espace.


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Dernière mise à jour : 5 juin 1996