Nous revoyons maintenant les notions de la section S-7. La suite est la présentation qualitative des principaux procédés de l'utilisation pratique de l'énergie nucléaire. Révision de la structure nucléaireLa production de l'énergie du soleil aide à comprendre celle d'une centrale nucléaire. Les deux processus sont cependant tout à fait différents. Voici quelques faits sur la conjugaison des protons et des neutrons dans le noyau, comme il a été vu dans la section S-7 sur le soleil :
En résumé : les noyaux du fer sont les plus stables, et les meilleures sources d'énergie sont trouvées dans les noyaux les plus éloignés du fer. On peut combiner (fusion ) les plus légers les noyaux d'hydrogène (protons) -- pour former des noyaux d'hélium, comme dans le soleil. Ou bien casser les plus lourds --(fission )-- les noyaux d'uranium -- en composés plus petits, c' est ce que font les industriels de l'énergie nucléaire.
Combien de protons, combien de neutrons ?Nous avons déjà dit que les protons et les neutrons (conjointement appelés "nucléons") sont intrinsèquement semblables, et peuvent s'intervertir au prix de l'absorption ou de l'émission d'un électron pour maintenir une charge électrique équilibrée. Comment leur quantité respective dans le noyau se détermine - elle?Les forces nucléaires privilégient apparemment l'égalité : dans les noyaux légers -- hélium, carbone, azote, l'oxygène -- le rapport habituel est de 50:50, bien que des variantes ("isotopes") avec de petites inégalités puissent exister et être stables. Si le noyau est lourd, cette règle de l'égalité ne tient plus, en raison de la répulsion électrique des protons. Imaginons un noyau de 56 nucléons, et supposons pouvoir choisir la proportion de neutrons et de protons. Quelle serait la combinaison la plus stable ? Avec 28 et 28 ,on devrait obtenir la cohésion nucléaire la plus stable, mais les 28 protons positifs ne pourraient cohabiter. Dans la nature il y a un compromis : le noyau de la forme habituelle du fer - possède 30 neutrons et seulement 26 protons. La proportion des protons diminue encore si le poids des noyaux augmente : 45% dans les noyaux de poids moyen, et moins de 40% pour les plus lourds, ceux de l'uranium. L'uranium normal ("U-238") possède 92 protons contre 146 neutrons, ( total = 238 nucléons). Comme nous allons le voir, ce changement progressif du rapport proton/neutron est essentiel à la réaction en chaîne nucléaire. |
On a intelligemment construit quand même des réacteurs fonctionnant à l'uranium normal. L'artifice est de façonner le carburant en "barres" noyées dans du carbone pur ("modérateur") qui ralentit les neutrons sans les absorber. ( par exemple, "l'eau lourde", celle qui contient l'isotope lourd de l'hydrogène). Les neutrons issus d'une barre traversent généralement le modérateur, et se déplacent très lentement avant de frapper une autre barre : ces neutrons ralentis sont beaucoup plus attirés par U-235 que par U-238, de sorte que même dans une tige ne contenant que 0.7% d'U-235, les atomes de celui ci les capturent presque tous La Masse Critique |
Il faut ajouter que beaucoup de ces neutrons sont également perdus dans l'environnement - par fuites aux limites du réacteur, ou par absorption dans les "faux noyaux ", ceux qui ne peuvent se fissionner. En fait, un réacteur doit être soigneusement conçu pour provoquer une réaction en chaîne de qualité : cela est réalisable. Au début, des méthodes très onéreuses et très complexes ont été conçues pour séparer U-235 ou l'enrichir au dessus de 0.7%. Actuellement seul le carburant enrichi est utilisé dans l'industrie ce qui rend la conception des réacteurs plus facile et plus contrôlable. Avec du carburant enrichi, l'eau ordinaire peut servir de modérateur, et il est même possible de confondre modérateur et carburant en dissolvant une variété de l'uranium dans l'eau, cette dernière agissant à la fois comme modérateur et comme refroidisseur. Ce genre de réacteur -- ou un gros fragment de plutonium - n'entretiendront pas une réaction en chaîne s'il sont trop petits. . Si la quantité de matière fissible est inférieure à la masse critique, la fission se produit en moyenne trop près de la surface. 2 neutrons sont produits à chaque fission, mais 1.2 en moyenne s'échappent pour éventuellement frapper un autre noyau, ne laissant que 0.8 neutron pour continuer le processus, alors qu'il en faudrait un ou plusieurs. En travaillant le carburant nucléaire, ou en retraitant des barres de combustible, il est donc essentiel de ne travailler qu'avec de petites quantités , de crainte d'une réaction en chaîne accidentelle. Le 30 septembre 1999, des ouvriers qui installaient une centrale de transformation nucléaire à Tokaimura, Japon, ont pensé gagner du temps en traitant simultanément plusieurs échantillons d'une solution d'uranium. A la suite d'un flash de lumière bleue, une réaction en chaîne s'est produite, exposant trois ouvriers à des doses massives de rayonnement pendant 18 heures. 3 mois après un ouvrier est décédé (malgré des mesures extrêmes), un est sorti de l'hôpital et un est toujours (en date de 12/99) en soins intensifs. Un rapport détaillé de l'accident ("Ce qui s'est produit à Tokaimura ?")est paru dans la "physique aujourd'hui", décembre 1999, p. 52-4. Un accident semblable s'est produit aux USA dans les années 50, lorsqu'un ouvrier extrayant du plutonium à partir d'une solution liquide a voulu aller plus vite et a mélangé plusieurs bains. Il est mort en deux jours des suites de l'exposition radioactive.
Le contrôle du Réacteur NucléairePuisque dans un réacteur nucléaire il faut ralentir les neutrons, il est construit dans ce but et ne peut pas exploser comme une bombe nucléaire (même si c' est parfois un sujet de films d'épouvante )., La réaction en chaîne risque toujours de se développer très rapidement : sans contrôles, le réacteur pourrait en principe atteindre la température qui le ferait fondre. La méthode habituelle de contrôle est d'inclure dans le carburant des "barres de contrôle" qui absorbent fortement les neutrons -- par exemple du cadmium, en métal, également utilisé dans la galvanoplastie. En absorbant les neutrons libres, ces tiges ralentissent ou arrêtent la réaction en chaîne. Heureusement, la nature nous a ici rendu service. Environ 1% des neutrons libérés par la fission ne sont pas rapidement émis mais sont retardés d'une fraction de seconde. Les réacteurs sont toujours réglés pour produire juste assez de neutrons pour entretenir la réaction en chaîne. Si pour une raison quelconque il y a une hausse de température , les neutrons retardés la régularisent et automatiquement les barres de contrôle s'abaissent ou se soulèvent. |
Les réacteurs nucléaires des USA utilisent habituellement de l'eau comme modérateur à l'intérieur d'un "réservoir de pression" en acier épais avec les barres de combustibles et celles de contrôle passant par les ouvertures de son couvercle. Pour débuter une réaction en chaîne Est-ce l'énergie du futur ? A la date de la rédaction ( 1999) la France se procure 75% de son énergie de l'énergie nucléaire. Beaucoup de pays industriels, qui manquent de charbon et de pétrole, obtiennent de cette façon une fraction appréciable de leur énergie -- par exemple, 1/3 de l'énergie du Japon et de l'Espagne. Aux USA, après un début enthousiaste, l'utilisation de l'énergie nucléaire s'est stabilisée environ à 20% de la puissance développée, principalement en raison de la résistance de l'opinion publique à l'énergie nucléaire. Mais les USA ont la chance de posséder de grandes réserves de charbon : la consommation croissante d'énergie est en grande partie assurée par ces carburants. D'un point de vue écologique, il y a le choix entre deux solutions :
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L'énergie nucléaire est aussi malheureusement à la base des armes les plus destructives
Pour en savoir plus sur eux, voir la section auxiliaire les armes nucléaires